L'Irak fait face depuis 2003 à une succession de crises et de conflits qui affectent lourdement sa population. Depuis 2014 et l'apparition de l'État Islamique (EI) dans les zones du nord et de l'ouest, la situation sécuritaire s'est particulièrement dégradée. La population a dû se déplacer dans des camps situés dans d’autres régions du pays ou se réfugier à l'étranger. Une autre partie de la population a dû rester et subir l'occupation du groupe. En 2016 le gouvernement irakien a repris possession de l’ensemble du territoire mais le pays est toujours confronté à des problèmes structurels.
Le 1er octobre 2019, des protestations sociales de grande ampleur éclatent à Bagdad, puis se répandent à travers le pays, majoritairement dans le sud. Si les revendications des manifestants concernaient initialement le chômage des jeunes, la pauvreté et la corruption qui sévit dans le pays, elles se sont peu à peu élargies vers une volonté globale de refonte du système socio-politique irakien et une critique de l’influence iranienne dans le pays. Plusieurs centaines de manifestants ont perdu la vie suite à la répression des manifestations par les forces de sécurité. Elles ont été freinées par la pandémie mondiale de COVID-19 et la formation d’un nouveau gouvernement en mai 2020.
L’Irak demeure un pays marqué par une instabilité sécuritaire, due aux séquelles de guerres chroniques et se voit aujourd’hui confronté à de nouveaux défis, notamment économiques et socio-politiques, qu’il faut parvenir à concilier afin de construire une paix durable. De plus, l’Irak est le terrain d’affrontements entre puissances rivales, notamment les Etats-Unis et l’Iran. En effet, suite à la présidence de Donald Trump, qui a appliqué une politique de pression maximale sur l’Iran, s’illustrant par le retrait de son pays de l’accord sur le nucléaire iranien et l’assassinat du Général iranien Qassem Soleymani à Bagdad en janvier 2020, les relations irano-américaines sont tendues. Cette tension s’exprime en Irak où les bases irakiennes abritant des forces américaines sont régulièrement victimes d’attaques par des milices irakiennes soutenues par l’Iran, déstabilisant le pays.
Au total, ce sont près de 6 millions d’irakiens (OIM, Irak¹) qui ont été déplacés du fait du conflit depuis 2014, date de la prise de Mossoul par l’EI. Le 30 septembre 2021, presque 1,2 millions d’iraquiens étaient encore déplacés à travers le pays (OIM, Matrice de Suivi des Déplacements, DTM²). Ces derniers ont cherché refuge dans les camps situés principalement dans le Gouvernorat de Ninive, à proximité de Mossoul, ainsi qu'en zone urbaine, notamment dans la région du Kurdistan irakien (OIM, Irak). A cette population déplacée s’ajoutent les réfugiés des pays voisins, principalement originaires de Syrie. L'insécurité, le manque d'infrastructures et les conditions d'existence dégradées par le conflit prolongent l'exil des populations déplacées. Mais aujourd’hui, le gouvernement irakien poursuit une politique de fermeture des camps et d’encouragement aux retours. En effet, en 2021, ce sont plus de 4,9 millions d’irakiens qui ont pu retourner dans leurs zones d’origine². Toutefois, pour que ces retours soient pérennes et n’alimentent pas les conflits, il est nécessaire qu’ils s’accompagnent de mesures permettant un accès aux services de base et à des moyens d’existence.
Les équilibres sociaux et communautaires sont fortement fragilisés entre une population majoritairement chiite, une minorité sunnite très souvent perçue comme sympathisante de l'EI, ainsi que des minorités durement éprouvées par le conflit (Yézidis, Chrétiens et de nombreux autres groupes). Les fractures sont profondes et le repli communautaire une réalité dans les zones affectées par le conflit. Malgré la récupération de la totalité du territoire occupé par l’EI, l'activisme de cellules dormantes maintient l'instabilité dans certaines zones. De plus, les anciennes zones de conflits restent dans une situation précaire : terrains minés, habitations et bâtiments détruits, absence d'infrastructures et de services publics de base.
Dans ce contexte, l'accès à une éducation formelle est très limité pour beaucoup d’enfants et nombreux sont ceux nécessitant une protection particulière. A la fragilité du corps éducatif, l’éloignement des établissements scolaires et les frais d’inscription s’ajoutent des difficultés découlant directement du conflit. La perte de documents administratifs et légaux, évènement couramment engendré par les conflits, empêche l’accès aux services publics, dont l’éducation.
Dans les gouvernorats touchés par les combats contre l’EI, 50% des écoles ont été détruites (Education Cluster Strategy Irak, 2019³). Pour les nombreux enfants déscolarisés depuis cinq ans ou plus, la réinsertion dans le système scolaire classique est difficilement envisageable. La majorité des enfants déscolarisés sont des adolescents et adolescentes dont la détresse est signalée par les parents et les assistants sociaux. En conséquence de cette situation précaire, cette population est sujette à la marginalisation sociale et est particulièrement exposée au travail des enfants, aux mariages précoces, à l’enrôlement dans des groupes armés et aux risques de radicalisation.
En réponse à ces situations de vulnérabilité, TGH met en place des programmes de protection de l’enfance. Grâce à l’unité spécifique de protection de l'enfance, TGH fournit un soutien psychosocial à des milliers d’enfants et leurs familles dans le gouvernorat de Ninewa (Baaj, Hatra). TGH coordonne également la prise en charge et la réponse à des cas de protection de l’enfance nécessitant un appui externe (ONG médicales, services nationaux de protection de l’enfance, etc.) afin de permettre une prise en charge la plus adaptée.
En complément de ses activités de protection auprès des enfants, TGH s’inscrit dans une dynamique de renforcement des capacités nationales des acteurs intervenant dans la protection de l’enfance, à commencer par le Ministère et le Département du Travail et des Affaires Sociales (MoSA/DoSA). TGH a joué un rôle conséquent dans l'élaboration de directives sur la protection de l'enfance au Kurdistan Irakien et en Irak fédéral.
TGH adapte ses actions de protection aux besoins de la population qui, suite aux politiques de fermeture des camps, retournent vers leurs régions d’origine. Ces personnes retournées font alors face à de nouveaux besoins pour pouvoir se réinstaller de manière digne et durable. Pour cela, TGH fournit, à travers plusieurs projets, des formations professionnelles afin de permettre aux personnes retournées, particulièrement aux jeunes, le renforcement de leurs Moyens d’Existence (à travers par exemple le lancement d’un micro-business). Ces formations sont également proposées aux populations non déplacées afin de répondre à leurs besoins, et d’éviter les tensions tout en favorisant la cohésion sociale.
En parallèle, TGH met en place des programmes renforçant la Sécurité Alimentaire et les Moyens d’Existence des populations. Ils sont axés sur la gestion des ressources en eau, la réhabilitation des infrastructures agricoles, les soins vétérinaires, la relance économique et l’autonomisation des populations. Ces programmes permettent de favoriser la relance de l’activité économique agricole, secteur crucial en Irak rurale, et d’encourager le retour des populations dans leurs zones d’origine.
1Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), Irak
2Organisation internationale de la migraiton, displacement tracking matrix, url : http://iraqdtm.iom.int/
3Education Cluster Strategy, Irak, 2019